Bon alors là, mes amis, j'ai encore mes fesses qui font bravo!
Je viens d'assister au meilleur concert auquel il m'ait été donné d'assister!
Je viens de voir
Xavier Rudd! A part Poulpe, à qui je l'ai fait découvrir ces vacances, personne n'en a probablement entendu parler.
En gros, ce gars joue de la guitarre (six guitarres différentes, s'il vous plaît), du didjeridoo (quatre didjeridoos différents, s'il vous plaît), de la percu (incluant grosse caisse, cymbales, jumbée...) et de l'armonica.
Evidemment, l'originalité vient des didjeridoos. Comme on peut donc s'en douter, monsieur est australien.
Venons-en au concert.
Première partie gentillette avec le duo Lena (guitarre+chanteuse). Sympa.
Les lumières s'éteignent. Un bruit étrange couvre tout le brouhaha: c'est le bruit des vagues s'échouant sur un rivage...
Puis vient Xavier Rudd. Alors le gonze: pieds nus, short blanc, tee-shirt rose, cheveux teints en blond, une barbe naissante, la trentaine bien vécue.
On n'a pas le temps de se dire que le gars a l'air super cool qu'on entend déjà un accord connu... Oui! Il attaque déjà avec
The Fortune Teller - ma préférée! Je devais avoir l'air trop con, parce que j'avais le sourire toute la chanson tellement j'étais heureux! Déjà en CD j'aime beaucoup, mais alors là, qu'est-ce que c'est bon! "This is my fortuuuuuune" repris en coeur par la moitié de la salle - déjà, pour le premier morceau. En concert, les didjeridoos et la guitarre prennent une autre dimension.
Comme auparavant, malgré les cris de la foule déjà reconnaissante, il ne laisse pas le temps de finir cette réflexion qu'il balance une grosse impro instrumentale, avec en vedette le didjeridoo: il souffle fort, change de rythme, invente des sons, semble t-il, jusqu'à ce que, surprise: il lache sa guitarre, souffle progressivement plus fort. Pour accompagner cette montée en décibel, Xavier Rudd lève progressivement les mains, paumes vers le ciel, et lorsqu'il les immobilise, on se rend compte qu'il a "réglé" le didjeridoo sur la fréquence de raisonnance et que toute la salle est en train de vibrer: plus personne ne bouge; ses mains, toujours la paume vers le ciel, tremblent pour montrer la puissance avec laquelle il semble soulever le monde! Enfin, il stoppe cette jouissance auditive en attaquant direct sur un rythme élevé à la grosse caisse et à la guitarre électrique. Pfouuuh! Toute la salle hurle: on a déjà envie de le porter en triomphe!
Après cette décharge sonore, pour bien montrer qu'il est en forme, il calme un peu le jeu en jouant des ballades de son nouvel album
White Moth.
Mais au bout de deux morceaux, on sent qu'il en a marre: il appelle son pote qui était encore dans les coulisses, pour qu'il s'installe à une batterie que personne n'avait même remarquée.
Et là, de nouveau, ça fait mal: à partir du morceau
Mana démarre une impro d'une bonne quizaine de minutes, où la puissance de la batterie (il a en plus le luxe d'être accompagné par un excellent batteur) se marie parfaitement avec la sagesse du didjeridoo et l'accompagnement de la guitarre acoustique. Lorsqu'il lache la guitarre, c'est pour prendre des baguettes et jouer avec de petits fûts, les timballes ou même d'autres percus. Et le final est parfaitement agencé pour démarrer un vrai morceau derrière, et pas des moindres, puisqu'il s'agit de
G.B.A.Ma machoire ne s'est toujours pas resserée et juste après, le batteur décide que lui aussi existe: il tape une impro qui semble a priori surprendre Xavier Rudd, malgré qu'il l'a immédiatement accompagné avec les percus, puis doucettement le didjeridoo. Là, implicitement, le relais vient d'être passé à Xavier Rudd, qui se sert du didjeridoo comme accompagnement de la guitarre: ... qui a seulement immaginé qu'on pouvait taper un solo de guitarre de psychopathe avec une guitarre sèche posée à plat sur les genoux, et le tout, pardonnez du peu, en soufflant dans un didjeridoo!!!
Après une dizaine de minutes de pur bonheur, Xavier Rudd relache un peu l'emprise qu'il a sur nous et rejoue une ou deux balades, dont l'une est magnifique: il s'agit de
Let Me Be, jouée à l'harmonica, après une longue intro à la guitarre - forcée par les acclamations de la foule qui ne lui permettaient pas de se faire entendre avec pareil instrument, et dont le refrain est chanté par la foule. Les Espagnols en profitent quand même pour tchatcher: l'émotion est trop forte. On a tous vécu la même chose, mais il faut le partager de nouveau. Le brouhaha dure tout le morceau, et Xavier Rudd s'en est probablement rendu compte parce qu'il décide de balancer un puissant
Food in the Belly, qui est loin de ne durer que les deux minutes quarante de l'album, et qui surtout fait taire direct les spectateurs, une nouvelle fois assaillis.
Le concert se poursuit. De temps en temps, comme s'il en était besoin, Xavier Rudd fait s'exprimer la foule en lançant un souriant "Are you feeling good?" ou "How do you feeeeel?", évidemment suivi d'une immense acclamation.
Ca fait déjà une heure et demi qu'il joue. On a un peu peur de voir l'heure de la fin arriver, alors après chaque chanson on crie, pour bien lui faire comprendre qu'on n'est pas rassasiés.
Nous étions complètement dans le faux. Xavier Rudd va nous surprendre trois fois. La première, en nous pondant la meilleure impro instrumentale du concert - une impro d'un quart d'heure qui finit si fort, tellement en apothéose, comme un bouquet final, qu'on se dit que là, ça y est, c'est sûr: il va partir sur ça!
On a à peine le courage de se remettre du long frisson qui vient de parcourir notre corps que commence alors cruellement, comme pour nous achever, le morceau
The Mother, probablement le meilleur morceau de son répertoire. Oui mais ce n'est pas tout: Xavier Rudd est décidément très en forme, et, lorsqu'arrive la partie instrumentale, un technicien vient accomoder un quatrième didjeridoo. C'est la deuxième surprise.
Ca y est, on prend peur: Xavier Rudd repousse le micro, et c'est parti! Un solo de didjeridoo d'une dizaine de minutes (bizarrement on est loin de s'en ennuyer - il faut dire que le batteur est excellent et l'accompagne merveilleusement), rapidement enchaîné, malgré les houras de la foule, par un solo de percus, puis un solo de guitarre, un solo de batterie de son collègue et enfin Xavier Rudd reprend le chant de The Mother, pour repartir dans un trip au didjeridoo. Le morceau dure plus de vingt minutes!
Il décide de partir sur ça. On le comprend.
Mais il n'en est pas question. On chante, on crie, on applaudit, on l'appelle.
Il revient!
Et il improvise un morceau de reggae! Troisième surprise! Une autre ballade, et enfin il finit par
Energy Song, qui dure plus de dix minutes, et pour laquelle s'est joint à lui le technicien, qui a emprunté un banjo.
Ce type chante, joue de l'harmonica, souffle dans des didjeridoos (parfois les trois successivement dans un même morceau), et il nous pond un concert de 2h30!! Il ne peut pas n'avoir que deux poumons, c'est pas possible!
Il part enfin. On reste tous là, comme si on ne pouvait pas quitter déjà ce lieu sacré où seulement une petite centaine de privilégiés a assisté à un truc incroyable: un vrai concert, une vraie manifestation artistique, tout en originalité, en impro, et en sincérité (bon dieu, lorsqu'il s'envole et que même lui ne tient plus en place lors de ses solos de guitarre ou de percus!!!)
C'est long, mais impossible de résumer plus que ça un pareil événement. Le meilleur concert que j'aie vu. J'espère vous avoir transmis une idée - une idée seulement - de ce qu'a pu être ce concert.
BTB ¤ Pfouuuh
P.S.: je conseille évidemment à tout le monde de découvrir les albums, mais j'attends avec impatience l'album live: rien à voir en live, et puis il a dit qu'il ne reviendrait pas avant un an en Europe!